Cela faisait maintenant deux heures qu’il était rentré du travail et qu’il n’avait rien remarqué. Maintenant, c’était sûr qu’il ne remarquerait pas.
«T’as rien remarqué, chéri ? »
Son visage se décomposa. On pouvait lire dessus, qu’est-ce qu’elle a encore bien pu faire ? La coupe de cheveux ? Non, il l’avait emmené un mois plus tôt chez son coiffeur. La coiffure ? Non, c’était impeccable mais comme d’hab. Pas de maquillage. Qu’est-ce qu’elle avait bien pu faire ?
« Tu ne me regardes pas ! »
Bon alors, regardons-là… Rien de changé. Non vraiment rien.
« Tu ne me regardes pas. Je ne sais pas comment sont tes yeux. Tu me vois dans un nuage ou quoi ? Du brouillard ? »
Elle me saoule.
« Tu es très belle ma chérie.
– Non mais tu n’es pas gêné. Tu me dis que je suis belle alors que tu n’as pas vu ce qui recouvre bien un tiers de mon corps.
– Hein ?
– Hein ? Tu ne vois pas que j’ai un nouveau top. »
Ah ! C’était ça. Effectivement, il ne l’avait jamais vu celui-là.
« Quand même, il est très différent des autres. Regarde la couleur et les motifs. Comment tu trouves ?
– Ben écoute, il te va tellement bien que du coup j’avais l’impression que tu l’avais depuis toujours.
– Bon parleur, tu essaies juste de te rattraper… assez lamentablement d’ailleurs. La vérité c’est que tu ne regardes pas ta femme. Il est quand même très différente de ce que je mets d’habitude, ce top.
– Mais non, c’est vrai. Mais il te va à merveilles. On dirait que tu l’as toujours eu. Ecoute, c’est bien simple, j’adore. Il est top !
– Tu adores mon top. Et moi alors ?
– Mais toi aussi je t’adore.
– Mon top et moi, c’est kif-kif bourricot. Tu nous adores pareil. »
Il se mit à rire. Elle avait un humour assez décapant. Vingt ans, et toujours les mêmes fausses scènes pour rigoler. Il fallait bien la connaître pour savoir que c’était de l’humour.
« Ma chérie, je t’aime. Comme je te l’ai dit, ton top est vraiment très différent et il te va très bien.
– Tu crois que tu vas t’en tirer comme ça. Il est tellement différent que tu ne l’as même pas remarqué, tu ne me regardes pas au moins 1/3 de mon corps et tu ne me donnes pas ton avis ; tu dis juste qu’il est différent parce que je l’ai dit. Ton avis ? C’est que tu t’en moques comme de ta première chemise. »
Elle continua à parler en lui tirant le nez.
« Tu es un menteur et tu changes d’avis comme de chemise. Tu vas finir homme politique. Quel que soit le sujet, on se range à l’avis qui est le plus avantageux.
« Comme je t’ai il est différent. »
Ah ! oui ! Et c’est quand que tu as dit ça ? Hein ? Non mais ça ne marche pas avec moi ça ? Non, non, non….
« Bon, est-ce que tu peux arrêter de me tirer les vers du nez s’il te plaît ! ajouta-il en riant, son nez était maintenant tellement tordu que ça commençait à être douloureux.
– Enfin un peu d’honnêteté ! Ok, j’arrête de te torturer le nez. Mais j’ai autre chose de nouveau. Cette fois, t’es hônnete, OK ?
– Oh ! Non !»
Qu’avait-elle inventé encore ? Elle souleva son top.
– Oh ! Mais voilà qui est plus intéressant ! »
Elle rebaissa son top.
« Alors ?
– Alors quoi ?
– Qu’est-ce que tu as vu ?
– Un soutien-gorge avec des choses très intéressantes dedans, répondit-il amusé.
– Comme tous les jours, en gros. Et il est comment ce soutien-gorge ?
– Rose et beige avec de la dentelle, et des choses intéressantes dedans.
– Et quoi d’autre ?
– Comment ça, quoi d’autre ?
– Tu ne le reconnais pas ? … Ben c’est toi qui l’as choisi !
– Comment ça ? »
Il ne se souvenait pas d’avoir été dans un magasin de lingerie.
« Ah ! Sur internet ! Il est très réussi, il te met bien valeur, superbe !»
Il s’en était sorti in extremis. Bon, il avait gagné honorablement pour cette fois. Mais l’humeur taquine de sa femme ne s’arrêta pas là.
« Quand tu as rasé tes rouflaquettes, je m’en suis rendue compte non ?
– Oui…
– Et pourtant elles ne couvraient même pas le tiers de ton visage. Moi, mon top, il me couvrait bien un tiers de mon corps. On voit ceux qui regardent et ceux qui ne regardent pas… »
Pas de réaction de la part de Monsieur.
« Par exemple, tu sais, en fait, je n’avais pas trop remarqué, pour les rouflaquettes. C’est vrai que je ne les aimais pas mais c’est tout… Peut-être que c’est parce que ton meilleur ami t’avait conseillé de les raser pour me séduire que du coup, tu étais plus en confiance et que c’est pour ça qu’on s’est embrassé pour la première fois le jour même… Tu ne dis rien ?
– Je ne me souviens pas.
– Quoi ?? Tu ne te souviens pas de ce que tu ressentais lors de notre premier baiser !!! », son humeur était un peu moins taquine et un peu plus offensive….
– Je ne me souviens pas…
– C’est important de regarder sa femme et de se souvenir du premier baiser. C’est pas aussi anodin que ce que tu crois. C’est important…Eh bien, moi je sais que tu as un tatouage ridicule et tout baveux sur l’épaule et que ton … est tout petit ; malgré mon nouveau soutien-gorge qui est une merveille du monde.»
Pas de réaction de la part de Monsieur.
« Tu m’entends ?
– Oui, c’est vrai.
– Je pourrais dire n’importe quoi de toute façon tu n’écoutes pas, tu t’endors.
– Oui, c’est pour ça que le … est tout petit. »
Elle se tourna dans un sens et lui dans l’autre, et l’entendit ronfler. Il était crevé. Et il y avait de quoi. Il se démenait toute la journée pour offrir à la famille une belle vie. Il s’occupait de tout le monde de son mieux. Elle était là, la vraie preuve d’amour, et elle le savait. Il la regarderait bien un autre jour, quand il serait plus en forme. Ils s’aimaient tendrement et c’était bien ça le top !
Elle enroula sa jambe autour de la sienne et mit sa main sur la sienne.
Elle s’endormit à son tour.
Aurianne Or
top Larousse: http://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/top_model/78451?q=top#77524
top Littré: https://www.littre.org/definition/top
Wikitionnaire: https://fr.wiktionary.org/wiki/top