La classe ouvrière existe depuis le milieu du XVIIIème siècle avec la révolution industrielle au Royaume-Uni. Elle se composait d’une population d’origine paysanne déracinée géographiquement vers les centres de production et qui ne décide pas de l’emploi de son temps. Le salaire de cette classe ouvrière ne leur permettait que de survivre et de se reproduire. Cette classe de travailleurs est victime des patrons qui l’ont exploité, aliéné du fruit de leur travail et déshumanisé. Elle est accusée d’être responsable de la perte de l’emploi: trop chère, pas assez efficace, pas assez mobile, etc.
Cependant, ce n’est pas parce que les ouvriers souffrent, parce qu’ils sont victimes, que cela signifie qu’ils sont vertueux. La classe ouvrière est complice de la création du racisme de classe.
Les dernières grosses manifestations populaires ont eu lieu dans les années 1960 avec des revendications comme le fait que les ouvriers participent aux décisions des entreprises ou que les ouvriers soient plus éduqués. Le sociologue Norbert Elias, décrit que dès la fin des années 1960, la classe ouvrière voulait travailler moins et gagner plus. Lors des accords de Grenelle en France, les ouvriers ont obtenus plus d’argent et plus de repos. Il ne s’agissait plus de changer le système, le fonctionnement de la société (participer aux décisions, gérer sa propre sécurité sociale, etc) comme précédemment. Ils ont juste obtenu plus.
Jusqu’en 1976, les pays occidentaux avaient fait venir des immigrés ou des personnes colonisées tant il y avait du travail pour les ouvriers. La social-démocratie est un concept développé par Albert Thomas qui consistait à permettre aux citoyens d’obtenir plus de prospérité grâce à une concorde nationale. Moins d’agressions les uns envers les autres et plus de richesse pour tout le monde. En 1976, 72% des travailleurs votaient à gauche. Au milieu des années 1970, les ouvriers commençaient à posséder des maisons ou des voitures. Les ouvriers s’organisaient sans discriminations: hommes, femmes, jeunes, vieux, immigrés, nationaux. Il y avait une grande classe ouvrière unie.
Le racisme de classe est apparu à la fin des années 70, avec le déplacement des usines en Chine et au Mexique. Quand l’emploi s’est raréfié, de 1976 à 1986, les ouvriers se sont rendu compte que beaucoup allaient se retrouver au chômage. La social-démocratie ne pourrait rien pour eux, ne pourrait plus sauvegarder leur prospérité. La majorité des travailleurs s’est tournée vers une forme de racisme de classe. Ce serait aux immigrés ou aux personnes anciennement colonisées de perdre leur emploi et aux personnes masculines prétendument de souche, les WASP, de se partager les emplois qui restent. Ils ne sont plus solidaires dès lors qu’il y a moins à se partager. Dans les années 1990, la majorité des électeurs et de la classe politique de gauche n’était plus constituée que de gens habitant en ville, ayant fait des études supérieures et faisant un travail intellectuel. Cette gauche social-démocrate (comme Clinton, Biden, Hollande, Obama) a développé à son tour un racisme envers cette classe ouvrière considérée comme déplorable car ils sont racistes, veulent les femmes à la maison, veulent de l’argent, font passer leur intérêt d’abord et votent à droite ou à l’extrême-droite. En 2002, il n’y a plus que 13% des ouvriers qui votent pour la gauche. La notion de préférence nationale a envahit la classe ouvrière. Les propriétaires ont réussi à diviser la classe ouvrière. Ils se battent les uns contre les autres au lieu de s’en prendre aux vrais responsables: les propriétaires.
Albert Thomas, dans les années folles, avait fondé l’Organisation Internationale du travail (OIT) pour la concorde nationale: plus pour tout le monde, main dans la main. Il a quitté la tête de l’organisation en 1929, dépité car pendant la crise économique de 1929, la classe ouvrière avait opté pour le chacun pour soi et rejeté les polonais, les juifs, les bolchéviques, etc. Dès que la situation économique est mauvaise, si on ne propose pas de changer le système, les ouvriers ne sont plus solidaires. Albert Thomas était réformiste: il voulait changer le système. Il s’est fait traiter de social traître car il était contre l’approche de la gauche révolutionnaire qui voulait s’en prendre aux bourgeois. Albert Thomas trouvait cela inutile car il affirmait que le système se reproduirait et créerait d’autres bourgeois. S’attaquer aux plus riches ne change rien. C’est ce que décrit la Ferme aux animaux de George Orwell. La révolution française a coupé la tête aux aristocrates et la France s’est fait diriger par 500 familles bourgeoises plutôt que les 500 familles aristocrates d’avant la Révolution. Raphäel Glucksmann s’est fait agresser car il assumait d’être réformiste. Marine Tondelier est également réformiste.
Norbert Elias, dans son livre Logique de l’exclusion en 1965, explique que si on veut éviter le racisme de classe qui fait tant de mal, les revendications et les combats de la gauche doivent absolument mettre en priorité les changements de société: plus de démocratie, plus de coopératives, instaurer des revenus de base, gérer sa propre sécurité sociale, etc. Augmenter le salaire, diminuer les loyers ou baisser le temps de travail ne font que renforcer le racisme de classe. Elias mentionne également le racisme des nouveaux arrivants qui ne veulent pas des nouveaux arrivants qui suivent. Le dernier ferme la porte. Nombreux Africains en France, nombreux Pakistanais au Royaume-Uni par exemple, sont opposés à l’immigration et votent à droite.
Ce qui a mis fin à la première vague du racisme de classe, c’était la seconde guerre mondiale. Par exemple, si la prospérité de la Chine était en danger, Chine qui a connu la famine il y a 50 ans, ce serait un cas de guerre. Si Trump ne voulait plus importer les produits chinois, ce serait un casus belli. Pour éviter de retomber dans le même type de drame, il faut que la gauche redéfendre les changements de société et non les revendications quantitatives (baisser l’âge des retraites, augmenter le salaire minimum, etc.)
Les classes existent toujours. Certains vivent du travail des autres. Certains possèdent. Certains travaillent.
A l’échelle mondiale, les leaders de gauche doivent changer les règles du jeu, pas juste augmenter les miettes qui sont offertes aux travailleurs. Ils doivent défendre le fait que tout le monde soit égaux et solidaires en partageant la prospérité et en protégeant l’environnement. Il faut que la gauche donne envie, pas juste être un rempart de la droite.
Un exemple de racisme de classe a eu lieu la semaine avant les élections présidentielles américaines de 2024. Le camp de Trump a traité les Portoricains d’ordures. Dès le lendemain, Joe Biden a traité les électeurs de Trump d’ordures. Cela doit cesser.
Kamala Harris ne fait campagne que sur des généralités ou des quantités: monter les salaires, changer les taux d’imposition, baisser les loyers, etc. Mais ne pas voter pour elle et laisser Trump gagner, aux bottes de Poutine, c’est s’assurer que les idées de coopération, de démocratie et de justice sociale ne verront jamais le jour.
La droite va agir pour certains ouvriers, pas tous. Si Trump est élu, cela va aller mieux pour certains d’entre eux: garder leur emploi, avoir une augmentation de salaire, etc. Cela se fera contre l’intérêt général, surtout à l’échelle mondiale et contre la démocratie. En effet, Trump renforce le racisme de classe ce qui peut entraîner des conflits internes aux Etats-Unis mais aussi avec d’autres pays. Il monte les uns contre les autres. Le fait que les gens n’aient pas les mêmes droits amène des conflits. Donald Trump s’affiche sur scène avec Elon Musk, et il s’en prend aux Portoricains au lieu de s’en prendre aux ultra-riches qui gagnent leur argent en exploitant les travailleurs. Lors de la dernière présidence, il avait une partie des Républicains et l’ensemble des démocrates qui s’opposaient à lui. En quatre ans, il a éliminé la concurrence dans son parti. S’il était élu, il aurait plus de pouvoir que lors de son dernier mandat. Il veut favoriser une partie de la population: les hommes blancs chrétiens sans éducation. Il explique que les problèmes viennent d’Iran, de Chine ou d’Europe, des latinos et gauchistes. Ce serait le chaos, tout le monde est divisé les uns contre les autres. Les conséquences sont doubles: le risque de guerre et la manque d’action commune notamment envers l’environnement.
Javier Milei, en Argentine a fait sa campagne en séduisant les hommes blancs en disant qu’il allait exclure les femmes, les noirs et les fainéants. Poutine s’attaque aux homosexuels, aux personnes de couleurs et aux musulmans. Victor Orban s’attaque aux femmes, aux noirs, aux fainéants, aux non-Chrétiens, aux homosexuels, aux gauchistes.
C’est pourquoi la gauche doit améliorer la situation de tous avec plus de démocratie, d’égalité et de coopération. La démocratie doit être défendue en exigeant le référendum d’initiative populaire.
Racial Divisions Distract the Working Class from the Real Problem – Reimagine Appalachia: https://reimagineappalachia.org/racial-divisions-distract-the-working-class-from-the-real-problem/
Un monde ouvrier divisé – dieses: https://dieses.fr/un-monde-ouvrier-divise
Racisme de classe – Gérard Mauger – CAIRN: https://shs.cairn.info/revue-savoir-agir-2011-3-page-101?lang=fr
Social-démocratie, selon Adeline Blaszkiewicz-Maison – France Culture: https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/questions-du-soir-l-idee/social-democratie-selon-adeline-blaszkiewicz-maison-2678623
Working-Class Perspectives: https://workingclassstudies.wordpress.com/
Comunismo, Género y movimiento obrero: Un estado de la cuestión – scielo: https://www.scielo.cl/scielo.php?script=sci_arttext&pid=S0718-50492016000500002
Racismo y antirracismo en la formación de la clase obrera británica – Conversacion sobre historia: https://conversacionsobrehistoria.info/2022/02/28/racismo-y-antirracismo-en-la-formacion-de-la-clase-obrera-britanica-entrevista-a-satnam-virdee/